Le sens de l’Epiphanie

L’Épiphanie est la manifestation de Jésus au monde que représentent les mages. Mais qui ces hauts personnages sont-ils venus adorer ? La réponse à cette question se trouve dans le symbolisme de leurs présents.

L’évangéliste Matthieu nous rapporte que des mages venus d’Orient, suivant un astre inconnu, parvinrent jusqu’à Bethléem après s’être enquis auprès du roi Hérode du lieu de naissance du « roi des Juifs ». Et entrés dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie sa mère. Et tombant à genoux, ils l’adorèrent. Et, ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe (Mt 2,11).
Ces mages étaient des prêtres ou de savants astronomes. L’Évangile ne précise pas qu’ils sont rois, ni qu’ils sont trois, ni qu’ils s’appellent Gaspar, Melchior et Balthasar. Ils préfigurent les non-juifs, païens de bonne volonté (gentils, selon l’antique vocable), qui se convertiront plus tard à la foi chrétienne. C’est sous l’inspiration du Saint-Esprit qu’ils rendent au Christ leurs hommages. Selon saint Jean Chrysostome, « si les mages étaient venus chercher un roi de la terre, ils auraient été confondus ; car ils eussent supporté sans raison la fatigue d’un si grand voyage. Mais, cherchant le Roi du Ciel, quoiqu’ils n’eussent rien aperçu en lui de l’excellence royale, ils se contentèrent pourtant du témoignage de l’étoile et se mirent à adorer. » Tant leur geste d’adoration que la qualité de leurs présents montrent qu’ils voyaient davantage dans ce nouveau-né qu’un futur prince politique.

L’or, l’encens, la myrrheadorationMages

Telle est la raison pour laquelle les Pères de l’Église (s. Irénée, s. Justin, s. Cyprien, Tertullien, s. Grégoire…) et les grands auteurs spirituels ont longuement médité sur la signification de ces offrandes. Le poète Juvencus chante : « Ils offrent l’or, l’encens, la myrrhe, au roi, au Dieu, à l’homme. » L’or convient à un roi, l’encens (utilisé dans les cérémonies religieuses) à un prêtre ou à un Dieu, et la myrrhe (qui sert à embaumer les cadavres) à un homme qui doit mourir pour le salut des hommes.
Ouvrons ici une parenthèse… Ces explications ne doivent pas être considérées comme de pieuses divagations, dont les chrétiens « à la foi adulte » pourraient se passer. On lit dans le Catéchisme de l’Église catholique : « L’homme, étant un être à la fois corporel et spirituel, exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. Comme être social, l’homme a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il en est de même pour sa relation à Dieu » (n. 1146 ; on lira avec profit les paragraphes suivants). Sous prétexte que certains pseudo-mystiques en abusent dans l’ésotérisme et diverses spiritualités effervescentes, ne rejetons pas les symboles, qui sont des éléments importants de l’Écriture sainte, de la liturgie et de la Tradition de l’Église. Fermons la parenthèse…

La foi, l’action, la contemplation

Saint Thomas d’Aquin réalise, dans son Commentaire sur saint Matthieu (II, 3), une brillante synthèse du symbolisme contenu dans l’offrande des mages :
« II faut découvrir ici un symbolisme : les trois sortes de présents se réfèrent aux trois espèces d’offrandes que nous devons faire : la foi, l’action et la contemplation.
• Tout d’abord la foi : notre foi reconnaît dans le Christ la dignité royale, d’où le présent qui consiste dans l’or ; la grandeur du sacerdoce, d’où l’encens que l’on offre en sacrifice ; le caractère mortel de l’homme, d’où la myrrhe ; notre foi confesse aussi la sainte Trinité, dont les trois personnes sont reproduites en nous.
• En second lieu l’action : par l’or est symbolisée notre sagesse ; par l’encens notre pieuse prière ; par la myrrhe la mortification de notre chair.
• Enfin la contemplation : les trois présents désignent les trois sens de l’Ecriture, car sous le sens littéral sont compris les sens allégorique, anagogique et moral ; ils désignent aussi les trois parties de la philosophie : morale, logique et physique, car de toutes ces sciences nous devons user pour le service de Dieu. »
À Jésus-Christ, Roi de Gloire, vrai Dieu et vrai homme, offrons les trésors de notre cœur, tous nos efforts de prière et de maîtrise de soi.
Denis Sureau