Coronavirus et communion spirituelle

Suite à l’épidémie de coronavirus, certains fidèles ne peuvent assister à la messe ou communier sur la langue. Mais ils peuvent faire une communion spirituelle, comme l’a rappelé Mgr Raymond Centène, évêque de Vannes. Mais qu’est-ce que la communion spirituelle ? Pour y répondre, voici un condensé d’un article rédigé par Mgr Louis-Marie de Bazelaire, pour le Dictionnaire de Spiritualité (Beauchesne, 1935).

Ce qu’est la communion spirituelle

L’expression « communion spirituelle » désigne l’union de l’âme à Jésus-Eucharistie, réalisée non par la réception du sacrement, mais par le désir de cette réception. Communier spirituellement, c’est s’unir à Jésus-Christ présent dans l’eucharistie, non pas en le recevant sacramentellement, mais par un désir procédant d’une foi animée par la charité.
Quels éléments comporte la communion spirituelle ainsi définie?
Elle est constituée essentiellement par un désir de l’eucharistie. C’est ce que dit saint François de Sales : « Mais quand vous ne pourrez pas avoir ce bien de communier réellement à la sainte messe, communiez au moins de coeur et d’esprit, vous unissant par un ardent désir à cette chair vivifiante du Sauveur» (Introduction à la vie dévote).
C’est un désir inspiré par la charité. La communion spirituelle requiert l’état de grâce et nous verrons les conséquences de cette condition pour les effets de la communion spirituelle. Quant aux dispositions qu’implique cette foi vive, cette charité, dont parle le concile, ce sont celles qui sont indiquées, plus loin et dont les formules remplissent les livres de piété sous la rubrique : Actes avant et après la communion.

Son fondement théologique

La valeur de la communion spirituelle repose sur deux principes :
Premier principe: la foi en la présence du Christ dans l’eucharistie comme source de vie, d’amour et d’unité. On ne peut bien comprendre le désir de l’eucharistie, si on n’accepte pas le principe de la valeur sanctifiante de l’eucharistie. C’est parce que l’on croit à la présence réelle et vivifiante du Christ dans l’eucharistie, qu’on désire recevoir le sacrement. C’est parce que l’on croit au caractère spécial de ce sacrement, qui est d’augmenter la vie de la grâce, d’intensifier la charité, de fortifier l’unité qui nous lie au Corps mystique [=l’Eglise], que l’on désire cette union au Christ. C’est parce que l’eucharistie, selon la promesse de Notre-Seigneur, est le pain de l’âme, un aliment de vie, une nourriture spirituelle, que l’on veut effectivement s’en nourrir. Toute la liturgie eucharistique, en nous rappelant cette pensée, nous invite à y voir le caractère propre du sacrement. Et c’est pourquoi le désir de l’eucharistie ou la communion spirituelle est totalement différent de l’union par la foi au Christ, enseignée par les protestants.

Deuxième principe : l’efficacité du désir peut suppléer l’acte sacramentel. C’est un principe admis en beaucoup de cas que le désir supplée l’acte, quand celui-ci ne peut être accompli en lui-même. La fin, dit saint Thomas, est contenue dans le désir. Par le désir, la communion est en quelque sorte accomplie ; sans doute elle ne l’est pas matériellement ; mais, puisqu’il faut distinguer dans le sacrement le signe (sacramentum) et la réalité (res sacramenti), le désir atteint la réalité sans passer par le signe. Le mouvement sincère et efficace de l’âme vers la vie est déjà un mouvement de vie. Celui qui tend vers la vie du Christ dans l’eucharistie la trouve, car le Christ ne manque pas à ceux qui le cherchent.

Ses effets

Quels sont donc les effets de la communion spirituelle ?
Les effets produits sont de même nature que dans la communion eucharistique, donc augmentation de la grâce sanctifiante, grâces d’amour, de vie, de pureté, d’unité... « On rapporte de sainte Angèle de Mérici que lorsqu’on lui interdisait la communion de chaque jour, elle y suppléait par de fréquentes communions spirituelles à la messe, et elle se sentait parfois inondée de grâces semblables à celles qu’elle aurait reçues si elle avait communié sous les espèces sacramentelles. Aussi laissa-t-elle à son Ordre comme un legs pieux, une pressante recommandation de ne point négliger cette sainte pratique. »
Ces effets peuvent être supérieurs à ceux qui sont produits dans la communion sacramentelle, si les dispositions sont très pures, mais à égalité de dispositions, ils sont évidemment moins abondants que dans la communion eucharistique. « Il peut arriver que vous fassiez cette communion spirituelle avec une telle ferveur, que vous méritiez autant de grâces que le prêtre en obtient par la communion sacramentelle, bien que, pour lui, des dispositions semblables unies à la réception du sacrement aient pour résultat des grâces plus abondantes » (Vénérable Louis Dupont.).
D’après beaucoup d’auteurs, la communion spirituelle pour être fructueuse requiert l’état de grâce. Celui qui communierait en état de péché mortel et dans la disposition d’y rester, pécherait gravement. Mais il n’est pas nécessaire de se confesser, un acte de contrition parfaite suffit. En cas de contrition imparfaite, il n’y aurait pas de péché ; il y aurait même un bon désir, mais les fruits attachés à la communion spirituelle ne seraient pas produits.

Comment pratiquer la communion spirituelle ?

Les actes de la communion spirituelle sont du même ordre que ceux qui précèdent, accompagnent et suivent la communion sacramentelle. Ils sont bien décrits dans ce passage de Scaramelli : « toute personne pieuse doit d’abord concevoir un sincère repentir de ses péchés et purifier par cette douleur le tabernacle de son coeur, où elle désire recevoir et faire reposer le divin Sauveur. Ensuite elle fera un acte de foi vive sur la présence réelle de Jésus Christ dans cet auguste mystère. Puis elle considérera la grandeur et la majesté de ce Dieu caché sous le voile des saintes espèces : qu’elle réfléchisse à l’amour immense, à la grande bonté avec lesquels il désire s’unir à nous ; qu’elle jette aussi ses regards sur sa faiblesse et sa propre misère. Après ces considérations elle doit faire des actes d’humilité et de désir ; d’humilité, à la vue de sa pro­pre indignité ; de désir, à cause de l’amabilité infinie de Dieu. Enfin, puisqu’il ne lui est pas donné de s’unir à son bon Sauveur par la réception réelle de l’eucharistie, qu’elle s’en approche en esprit et s’unisse à lui par le doux lien d’un amour paisible et tranquille. Elle terminera la communion spirituelle en remerciant et en louant le Seigneur ; car, quoique Jésus-Christ ne soit pas descendu réelle­ment dans son coeur, il était cependant bien disposé à cette union d’amour et la désirait avec toute l’ardeur de la charité. Elle lui demandera donc les grâces dont elle se reconnait indigne, et s’appliquera sérieusement à produire les actes qu’elle a coutume de faire après la réception de cette nourriture divine. »
La communion spirituelle peut être faite aussi souvent que l’âme le désire. « La bienheureuse Agathe de la Croix était animée d’un tel amour pour le Saint Sacrement, qu’elle serait morte, dit-on, si son confesseur ne lui avait pas enseigné la pratique de la communion spirituelle ; et lorsqu’elle la posséda, elle avait coutume de la répéter jusqu’à deux cents fois dans un jour » (Faber).

Le moment privilégié pour faire la communion spirituelle est le temps de la messe, où, si l’on ne peut communier sacramentellement, on peut toujours s’unir à la communion du prêtre et faire les actes de la communion spirituelle. L’assistance à la messe est la meilleure préparation à cette communion, qui nous fait participer d’une manière étroite et personnelle au sacrifice de Notre-Seigneur.
Les avantages de la communion spirituelle ne doivent permettre ni d’en exagérer ni d’en minimiser l’importance. Elle tire sa valeur de la communion sacramentelle, mais les richesses du trésor eucharistique ne doivent pas faire négliger l’appoint spirituel de ce désir intérieur du coeur. Et c’est le sens à retenir sans doute de la parole adressée à l’humble soeur Paula Maresca par le Seigneur Jésus, qui lui montrait deux vases précieux, l’un d’or et l’autre d’argent. « Dans le vase d’or, dit-il, je conserve vos communions sacramentelles et dans le vase d’argent, vos communions spirituelles. »

Pour aller plus loin

La communion de désir
Pour ceux qui ne peuvent pas communier à une messe
Michel Martin-Prével

Editions des Béatitudes